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L’automatisation intelligente va-t-elle détruire nos emplois ou bien les améliorer ? Partie 2 sur 2

Roland Alston, Appian
January 6, 2020

<figure class="wp-caption alignleft" id="attachment_32195" style="width: 300px"><a href="https://assets.appian.com/uploads/assets/sites/4/2018/02/MFmug1-1.jpg"><img alt="" class="wp-image-32195 size-full" height="200" src="https://assets.appian.com/uploads/assets/sites/4/2018/02/MFmug1-1.jpg" width="300"/></a><figcaption>Morgan Frank, chercheur au MIT Media Lab et co-auteur de l’ouvrage « Small Cities Face Greater Impact from Automation »</figcaption></figure>

<em>(Ceci est le dernier volet d’une conversation en deux parties avec Morgan Frank, chercheur au MIT Media Lab (<a href="https://twitter.com/mrfrank5790?lang=en">@mrfrank5790</a>) sur les défis rencontrés pour adopter l’automatisation sans abandonner ses hommes. Lisez le premier volet <a href="https://www.appian.com/blog/intelligent-automation-rethinking-work-technology-future-company-depended/">ici</a>.)</em>

Il est tentant de parler de l’automatisation dans un contexte de recherche d’efficacité. Cependant, l’essor de l’automatisation est également une tendance qui perturbe plus que jamais les travailleurs et les petites collectivités. Cela signifie que les entreprises les plus performantes sont celles qui peuvent tirer le meilleur parti de l’automatisation en facilitant la collaboration des humains avec les machines, ainsi qu’avec les autres travailleurs.

Dans le dernier épisode, M. Frank a souligné certaines des grandes conclusions de ses recherches novatrices sur l’impact de l’automatisation (« <a href="https://www.media.mit.edu/publications/small-cities-face-greater-impact-from-automation/">Small Cities Face Greater Impact From Automation</a> »). Il a déclaré qu’il était urgent de se concentrer sur l’amélioration de la résilience des travailleurs face aux tendances perturbatrices. Il a également souligné l’importance de la requalification des travailleurs à risque, la versatilité sans fin des tâches et des compétences et la façon dont ceci tend à s’amplifier et à perturber l’emploi et les salaires sur le marché du travail des petites villes.

<strong>Appian :</strong> Pouvez-vous donner des exemples concrets de ce type de perturbation ?

<strong>M. Frank :</strong> Un économiste de l’université de Boston, James Bessen, a formulé une observation importante concernant les guichetiers de banque et les Guichets Automatiques de Banque(GAB). Face à l’omniprésence de ces GAB, il semblerait normal qu’il y ait de moins en moins de travail pour les guichetiers de banque au niveau national, puisque les GAB sont de plus en plus utilisés. Pourtant, c’est l’inverse qui se produit. M. Bessen a révélé que le nombre de guichetiers de banque augmentait proportionnellement à la hausse de l’utilisation des GAB.

Beaucoup de gens ont été surpris par ce phénomène. Cette situation s’est produite pour deux raisons. Tout d’abord, l’efficacité des GAB a diminué le coût de l’ouverture de nouvelles succursales pour les banques. Chaque agence emploie moins de guichetiers. Pourtant, le nombre de postes à l’échelle nationale a globalement augmenté. L’autre facteur à prendre en compte, c’est que les tâches traditionnellement associées aux guichetiers de banque ont beaucoup changé. Autrefois, il s’agissait d’un travail de routine. Ils comptaient l’argent. Ils rendaient la monnaie. Mais les GAB permettent aux guichetiers d’occuper un rôle relevant davantage de celui des représentants du service clientèle et des commerciaux pour les produits de la banque.

<h2>Il est temps de repenser notre manière de travailler</h2>

<strong>Appian :</strong> Ainsi, les guichetiers sont passés de tâches administratives à des tâches de niveau supérieur, qui ajoutent plus de valeur.

<strong>M. Frank :</strong> Tout à fait. Et ce type de travail nécessite davantage de compétences sociales. Voilà le type de redéfinition professionnelle dont je parlais tout à l’heure. Nous essayons de comprendre encore mieux ce fonctionnement et de le modéliser.

<strong>Appian :</strong> Il semblerait donc que l’impact de l’automatisation ne soit pas tant une question de suppression d’emplois qu’un défi de redéfinition de notre manière de travailler.

<strong>M. Frank :</strong> Exactement.

« En plus des créations de postes liées aux nouvelles technologies, un important travail de redéfinition est en cours. C’est le principal impact de l’automatisation (sur la main-d’œuvre). »

https://youtu.be/FBKs_fgT43s

<strong>Appian :</strong> Ceci étant dit, que peuvent faire les entreprises traditionnelles pour préparer leur main-d’œuvre à l’automatisation intelligente ? Que peuvent faire les entreprises de longue date pour se préparer à la technologie intelligente du futur ?

<strong>M. Frank :</strong> Parmi vos collaborateurs, il faut identifier ceux qui seront concurrencés par ces technologies émergentes. Imaginons par exemple que vous exploitez plusieurs usines. Un nouveau bras robotisé vous permet de réduire le nombre de postes associés à une tâche précise sur la chaîne d’assemblage. La question est la suivante : qu’allez-vous faire des ouvriers dont vous n’avez plus besoin ?

<strong>Appian :</strong> La méthode traditionnelle serait de les licencier.

<strong>M. Frank :</strong> Tout à fait. Mais il est également possible de les former à nouveau pour qu’ils puissent travailler dans d’autres domaines et réaliser des tâches pour lesquelles vous avez encore besoin d’une main-d’œuvre humaine. Pour cela, il faut parfaitement comprendre les compétences de vos employés et celles qui seront remplacées par la technologie. Quelles sont les compétences qui seront encore demandées ? Et comment pouvez-vous associer les compétences de vos employés à cette demande prévue ?

<strong>Appian :</strong> Alors, quel est le secret pour y parvenir ? Quelle est la meilleure approche ?

<strong>M. Frank :</strong> Pour l’instant, il n’y a pas de recette précise à appliquer. Notre communauté de chercheurs travaille actuellement sur ce sujet. Je peux faire quelques recommandations d’ordre général à partir des tendances globales. Par exemple, si vous pouvez montrer à vos employés comment travailler sur un ordinateur et effectuer des tâches d’ordre cognitif et social, ils auront alors plus de chances que celles-ci soient améliorées par les technologies en cours de développement. Sur le long terme, les compétences sociales constituent un cas à part, qui stimule l’intérêt de la communauté de chercheurs. Il semblerait que les compétences sociales ne soient pas vraiment concurrencées par la technologie.

« Il est plus difficile pour la technologie de remplacer les interactions personnelles sur de nombreux aspects cruciaux. Par exemple, je ne pense pas que le service clientèle risque d’être entièrement automatisé de sitôt. »

En outre, la négociation de contrats semble reposer davantage sur le réseautage et le capital social. Ces actions ne peuvent pas être automatisées.

<strong>Appian :</strong> Quelles sont les constatations qui vous ont surprises dans le cadre de vos recherches sur l’automatisation et son impact sur les villes ?

<strong>M. Frank :</strong> Les villes qui sont étonnamment peu touchées par l’essor de l’automatisation sont les petites villes qui accueillent des universités ou un grand nombre d’administrations gouvernementales.

<strong>Appian :</strong> Pouvez-vous citer des villes spécifiques qui vous viennent à l’esprit ?

<strong>M. Frank :</strong> Oui ; Burlington, dans le Vermont, et Boulder, dans le Colorado. Il s’agit de deux villes importantes, mais de petite taille. Elles se distinguent sur de nombreux indicateurs économiques clés, comme le PIB par habitant, la santé et le bien-être. Les universités stimulent les économies locales, qui peuvent soutenir la demande pour des employés hautement qualifiés capables d’exploiter les dernières technologies au lieu d’entrer en compétition directe avec celles-ci. Ainsi, Boulder est une ville « Latte », pour reprendre l’expression de M. Ehrenhalt, qui se transforme en grande ville.Si j’en parle, c’est parce que nous constatons une intensification de l’industrie technologique dans le Colorado. Google est en train d’y ouvrir des locaux importants. Facebook et Twitter y sont également présents. Je pense que ce phénomène va changer la donne pour Boulder.

<h2>Les meilleures technologies se rapprochent de la magie</h2>

<strong>Appian :</strong> Au niveau des technologies émergentes, nous sommes encore aux prémices de la transformation numérique.Mais quelles sont vos attentes en ce qui concerne la relation entre les personnes et la technologie pour l’avenir ?

<strong>M. Frank :</strong>

« Je pense qu’il va devenir de plus en plus difficile de savoir quand vous travaillez avec la technologie. Au Media Lab, nous sommes d’avis que l’utilisation de technologies très poussées se rapproche de l’utilisation d’une certaine forme de magie. Voilà le type d’interface que nous recherchons. Il s’agit de l’objectif à atteindre pour tout concepteur. »

https://youtu.be/PUrgMctkMyU

Appian : Les smartphones modernes contiennent un peu de cette magie.

<strong>M. Frank :</strong> Tout à fait. Il suffit de sortir ce petit rectangle de sa poche pour accéder à toutes les informations possibles. Nous pouvons considérer qu’une telle capacité a sa part de magie.

L’IA va au-delà de la recherche d’informations.

<strong>Appian :</strong> Quelles sont vos attentes en matière d’intelligence artificielle (IA) ?

<strong>M. Frank :</strong> Je pense que nous serons amenés à voir de plus en plus d’IA et d’algorithmes allant au-delà de la simple récupération d’informations. Ces technologies seront bien plus présentes dans notre quotidien. Peut-être aussi que nous ne nous en rendrons pas vraiment compte, car ce changement se produira petit à petit. Au Media Lab, des psychologues travaillent avec des enfants pour étudier la manière avec laquelle ils interagissent avec des objets tels qu’Amazon Echo et d’autres assistants numériques. Nous observons l’impact de ces interactions sur leurs compétences sociales et leurs attentes lorsqu’ils interagissent avec d’autres technologies moins intelligentes.

<strong>Appian :</strong> Qu’apprenez-vous de ces observations ?

<strong>M. Frank :</strong> Nous constatons que les enfants aiment interagir avec les assistants numériques, mais qu’ils ont du mal à déterminer s’il s’agit ou non de véritables personnes.« En tant qu’adultes, nous allons être confrontés à un nombre croissant de cas dans lesquels les données qui nous entourent sont exploitées sans que nous le sachions, afin d’arriver aux résultats que nous attendons. Amazon Echo est un bon exemple de ce phénomène. Cet appareil peut diffuser les stations de radio que vous aimez, vous informer sur le trafic routier, la météo… Tout cela de façon entièrement automatique. »

<h2>Le retard technologique des organismes législatifs</h2>

<strong>Appian :</strong> Que pensez-vous des esprits critiques qui se méfient de l’IA et s’inquiètent de la mauvaise utilisation de celle-ci ?

<strong>M. Frank :</strong> Les aspects négatifs sont inévitables. Je ne peux pas avancer des données scientifiques précises, mais je pense que le phénomène des fausses informations va aller en s’aggravant. En tant que société, il nous appartient de résoudre ce problème. En général, les scientifiques développent de nouvelles technologies et laissent les organismes législatifs réguler leur utilisation. C’est une bonne relation, une relation saine, mais je ne pense pas que les organismes législatifs puissent suivre le rythme de ces nouvelles technologies. Ils doivent rattraper leur retard.

<strong>Appian :</strong> Pouvez-vous donner vos trois grandes prévisions en ce qui concerne les tendances numériques auxquelles vous vous intéressez, pour 2018 et au-delà ?

<strong>M. Frank :</strong> Je pense que la polarisation des emplois va augmenter au cours des prochaines années. Cela sera notamment dû à la distinction entre les technologies en compétition avec les employés et celles qui les complètent. Je pense également que de nombreux économistes seront d’accord pour affirmer que l’impact de la technologie se fait sentir à un rythme de plus en plus important. Cette tendance est problématique sur le plan de la formation, car les politiques publiques avancent encore plus lentement que le progrès scientifique.

<blockquote>Je pense donc que la mission d'améliorer les politiques de formation pour tenir compte des technologies en évolution rapide sera particulièrement complexe.</blockquote>