Skip to main content

Conception empathique : 5 techniques pour renouer avec votre capacité d'innovation

Roland Alston, Appian
January 29, 2018

<figure class="wp-caption alignleft" id="attachment_31809" style="width: 225px"><img alt="Dorothy Leonard, Professeure Emérite à la Harvard Business School" class="wp-image-31809 size-full" height="225" src="https://assets.appian.com/uploads/assets/sites/4/2018/01/Dorothy-Leonard.jpg" width="225"/><figcaption>Dorothy Leonard, professeure émérite à la Harvard Business School et conseillère principale du</figcaption><a href="http://www.leonardbartongroup.com/" rel="noopener" target="_blank">Leonard-Barton Group</a></figure>

À l’ère des attentes toujours changeantes des clients, l’adoption d’une mauvaise approche de l’innovation peut s’avérer fatale. Si vous suivez l’approche conventionnelle basée sur l’écoute des clients, l’investissement dans l’amélioration continue et le suivi du résultat net, vous risquerez de vous améliorer sur certains points que vos clients ne veulent plus.

Il est nettement préférable de voir le monde de la même manière que les clients en question. En combinant cette approche aux réalisations que votre entreprise est en mesure de fournir, vous obtiendrez bien davantage d’idées novatrices que si vous utilisiez une approche d’étude de marché traditionnelle.C’est en tout cas ce que déclare l’experte en innovation Dorothy Leonard.

Selon elle, le problème des approches de l’innovation traditionnelles basées sur les études de marché est que nous demandons aux clients ce qu’ils veulent. Elle explique qu’il vaut mieux adopter une approche empathique dans laquelle vous essayez de révéler ce que les clients veulent et ce qu’ils désirent.

Comment faire cela ? En vous immergeant dans l’environnement de votre client et en regardant le monde à travers leurs yeux.

Il s’avère que Mme Leonard connaît très bien l’innovation. C’est une auteure et conférencière renommée et une leader d’opinion de longue date dans le domaine de la gestion des connaissances et de l’innovation.

Elle est en outre professeure d’administration des affaires émérite à Harvard (William J. Abernathy) et cumule plus de 30 ans d’expérience en recherche sur la gestion des connaissances. Elle est également consultante et enseigne l’innovation, la commercialisation des technologies et les capacités organisationnelles.

Ses livres « <a href="https://www.amazon.com/Wellsprings-Knowledge-Building-Sustaining-Innovation/dp/0875848591/ref=sr_1_3?s=books&amp;ie=UTF8&amp;qid=1515614326&amp;sr=1-3&amp;refinements=p_27%3ADorothy+Leonard" rel="noopener" target="_blank">Wellsprings of Knowledge: Building and Sustaining the Sources of Innovation</a> » et « <a href="https://www.amazon.com/Deep-Smarts-Cultivate-Transfer-Enduring/dp/1591395283/ref=sr_1_1?s=books&amp;ie=UTF8&amp;qid=1515614326&amp;sr=1-1&amp;refinements=p_27%3ADorothy+Leonard" rel="noopener" target="_blank">Deep Smarts: How to Cultivate and Transfer Enduring Business Wisdom</a> » sont vus comme des ouvrages précurseurs dans ces domaines.

Dans cet article réédité, Mme Leonard révèle comment développer une meilleure compréhension des besoins non formulés de vos clients et comment inspirer des idées novatrices concernant de nouveaux produits et services. Bonne lecture !

<strong>Appian :</strong> Bonjour, Professeure. Au fil des ans, vous avez mené des travaux précurseurs sur la création et le maintien des sources d’innovation. Nous aborderons ce sujet dans peu de temps. Mais tout d’abord, expliquons rapidement à nos lecteurs ce qui vous occupe en ce moment. Parlez-nous du Leonard Barton Group et de votre travail auprès des clients.

<strong>Mme Leonard :</strong> Nous comptons deux branches d’activité, l’une d’elles étant dirigée par Gavin Barton, qui est coach exécutif. Il propose un encadrement pratique pour aider les chefs d’entreprise à faire face à différents problèmes de gestion, concernant notamment la succession. La seconde branche, qui se trouve sous ma responsabilité, consiste à permettre aux entreprises de trouver le moyen de préserver ce que nous appelons leurs « compétences profondes » (ou Deep Smarts).

<h2>Les compétences profondes : qu'est-ce que c'est ? Pourquoi sont-elles importantes ?</h2>

<strong>Appian :</strong> Les compétences clés ? De quoi s’agit-il, et comment les définissez-vous ?

<strong>Mme Leonard :</strong> Voici une brève définition des compétences profondes : ce sont des connaissances essentielles pour l’entreprise et basées sur l’expérience. Nous aidons les sociétés à gérer de nombreux sujets sensibles relatifs aux personnes qui partent à la retraite et emportent avec elles beaucoup de connaissances : savoir-faire, esprit critique et compétences.

<blockquote>« Les entreprises sont confrontées à un autre défi, à savoir le manque de recul : elles ne possèdent pas assez d'employés dans leurs postes clés. Et si ces personnes partent, pour quelque raison que ce soit, les sociétés perdent des connaissances vitales, basées sur l'expérience. »</blockquote>

Nous nous concentrons sur le type de connaissances le plus difficile à transférer, c’est-à-dire les compétences relationnelles et le savoir tacite, des connaissances qui n’ont jamais été écrites, documentées ou même formulées.

<strong>Appian :</strong> Et bien évidemment, le risque de perdre ce genre de connaissances peut causer un préjudice considérable aux entreprises sur le long terme…

<strong>Mme Leonard :</strong> Oui, nous sommes d’avis qu’en ce qui concerne la prospérité à long terme des entreprises, leurs principales capacités sont presque toujours basées, du moins en partie, sur les compétences majeures de leurs employés les plus expérimentés. Ainsi, nous pensons que la préservation de ces compétences majeures revêt une importance cruciale pour les entreprises.

https://vimeo.com/223480519

 

<h2>La peur de l'échec</h2>

<strong>Appian :</strong> La peur d’échouer constitue également un obstacle à la réussite des entreprises, un facteur réellement capable de freiner l’innovation. Pourquoi la peur de l’échec entrave-t-elle le bon fonctionnement de toutes ces entreprises ?

<strong>Mme Leonard :</strong> Parce que nous lui avons donné ce pouvoir, et nous continuons à le faire. Cela me fait penser à une de mes anecdotes favorites sur la peur de l’échec et sa tendance à gêner l’innovation.

Lorsque j’exerçais en tant que consultante pour l’innovation dans les entreprises, je leur demandais de me parler du climat relatif à l’innovation qui régnait dans leurs rangs.

Chez l’un de mes clients, deux cadres ont déclaré : « Nous avons un nouveau directeur général qui dit que nous devons innover... Mais vous savez, ce n’est pas vraiment possible ».  Ce à quoi j’ai répondu : « Vraiment ? Comment savez-vous que c’est impossible ? ». Ils se sont alors regardés, et l’un d’entre eux a dit à l’autre : « Parle-lui de Mary. »

Il s’avère que Mary n’avait pas réussi à mener à bien un projet particulier, et que cela avait mis fin à sa carrière.

J’ai donc demandé : « Quand est-ce que tout cela est arrivé ? ». Ils m’ont expliqué que cela datait d’environ 10 ans. Ils ont ensuite corroboré cette histoire par d’autres, chacune d’entre elles ayant au moins dix ans.

<blockquote>« Réfléchissez un peu à la situation. Tout cela s'est produit avant même qu'il ne soit question d'un nouveau directeur général. Dès sa prise de poste, ce dernier a donc dû lutter contre les légendes qui circulaient dans l'entreprise, et qui avaient la peau dure. Et c'est l'un des défis auxquels vous serez confronté lorsque vous arriverez dans une entreprise en tant que nouveau dirigeant. »</blockquote>

Il est nécessaire de comprendre les croyances profondément ancrées en ce qui concerne l'échec.

<h2>La conception empathique, essentielle à l'engagement</h2>

<strong>Appian :</strong> Dans vos recherches, vous abordez également le sujet de « la voix du client ». Maintenant que nous sommes entrés dans l’ère de transformation numérique, ce concept de la voix du client est-il toujours pertinent ?

<strong>Mme Leonard :</strong> Tout dépend de votre interprétation de la « voix du client ». Les personnes souhaitant innover doivent sans cesse découvrir ce que les clients veulent et ce dont ils ont besoin. Mais dans mes écrits, j’insiste depuis plusieurs dizaines d’années sur le fait que les clients n’ont aucune idée de ce que leurs vendeurs et fournisseurs peuvent réellement accomplir.

<blockquote>« Et la transformation numérique augmente encore la difficulté lorsqu'il s'agit d'anticiper les capacités des entreprises à créer des produits que les clients sont à même d'imaginer, voire en mesure de demander. »</blockquote>

Ainsi, je ne dirais pas que la voix du client a perdu de son importance. Je mentionnerais cependant, comme chaque fois que je parle du concept de « conception empathique », que si les clients ne savent pas quoi demander, c'est en partie parce ce qu'ils ne sont pas conscients de tout ce que vous pouvez leur fournir. Et je pense que cette affirmation n'a jamais été aussi vraie.

<strong>Appian :</strong> Voilà une excellente transition qui nous permet d'aborder le thème de la conception empathique, une notion que vous avez introduite en 1997 avec votre co-auteur Jeffrey Rayport.

Vous avez récemment publié dans la Harvard Business Review un article intitulé <a href="https://hbr.org/2017/11/5-ways-to-design-products-customers-love" rel="noopener" target="_blank"> « 5 Ways to Design Products Customers Love »</a> (5 manières de concevoir un produit que vos clients vont adorer). Vous y abordez le sujet de la conception empathique. Dites-en un peu plus à nos lecteurs. Quelle grande idée se cache derrière la conception empathique, et pourquoi les entreprises devraient-elles s'y intéresser ?

<blockquote>« La conception empathique consiste avant tout à s'intéresser aux pensées des clients pour identifier les besoins et les désirs qu'ils sont peu susceptibles d'exprimer par eux-mêmes. Il existe plusieurs façons de créer ce type d'empathie, qui représente tout d'abord un rapport émotionnel aux clients et à leurs perspectives. »</blockquote>

<h2>Découvrez les besoins que vos clients n'expriment pas</h2>

<strong>Mme Leonard :</strong> Toutes les techniques de conception empathique ont quelque chose en commun, à savoir l’emphase sur l’exploration des besoins et des désirs relatifs à la réalisation d’un travail (quel qu’il soit) nourris en silence par les clients. Il existe plusieurs manières de voir le monde avec les yeux d’un client et de mettre en place un lien affectif entre la conception d’un produit ou service et son utilisateur final.

<strong>Appian :</strong> L’iPhone n’en est-il pas un bon exemple ? La puissance du rapport émotionnel que les consommateurs ont développé vis-à-vis de la conception innovante de ce smartphone est impressionnante.

<strong>Mme Leonard :</strong> Oui. Sa conception a été très habile, et elle s’est partiellement appuyée sur la connaissance de toutes les possibilités et sur l’observation des personnes et de l’utilisation combinée qu’ils faisaient de leurs téléphones, assistants personnels et ordinateurs. Apple a su voir qu’il était possible de rassembler toutes ces fonctionnalités dans la conception d’un seul appareil.

L’iPhone représente la vision de Steve Jobs, mais il se base également sur une conception empathique considérable.

<strong>Appian :</strong> On entend beaucoup de choses sur la transformation du parcours client. Le développement de la conception empathique devrait-il faire partie de ce processus ? Et quelles techniques spécifiques les entreprises peuvent-elles utiliser pour associer leurs clients au processus de développement de leurs produits ?

<strong>Mme Leonard :</strong> Il est primordial de pouvoir envisager le monde de la même manière que les clients en question. En combinant cette approche aux réalisations que votre entreprise est en mesure de fournir, vous obtiendrez bien davantage d’idées créatives que si vous utilisiez une approche d’étude de marché traditionnelle.

<blockquote>« Dans une étude de marché traditionnelle, vous demandez aux clients de vous dire ce qu'ils veulent. Grâce à un design bienveillant, vous tentez d'identifier les besoins et les désirs de vos clients en vous plongeant dans leur environnement et en observant le monde à travers leurs yeux. »</blockquote>

<strong>Appian :</strong> Parlez-nous donc de quelques techniques spécifiques que les entreprises peuvent utiliser pour obtenir ces résultats.

<h2>5 techniques pour renouer avec votre capacité d'innovation</h2>

<div class="box-wrap">

<ol>

<li>Il y a tout d'abord l'approche utilisateur/concepteur : dès le départ, vous intégrez au processus de conception une personne qui est à la fois l'un et l'autre. Elle possède ainsi la formation technique nécessaire à la conception d'un produit qu'elle souhaiterait elle-même utiliser. Voici donc la première technique.</li>

<li>Deuxièmement, adoptez un cheminement ethnographique à base d'observations et d'entretiens, au cours duquel vous surveillez le comportement des clients au sein de leur habitat naturel, pour ainsi dire. Vous pouvez ainsi déterminer ce qui fonctionne, ce qui ne marche pas et ce que vous pouvez proposer aux clients pour satisfaire leurs besoins (qu'ils soient conscients ou inconscients).</li>

<li>La troisième technique consiste à se mettre dans la peau d'un client. Actuellement, de nombreuses infrastructures médicales embauchent des personnes pour qu'elles jouent le rôle de patients. Le principal objectif est de former les médecins en conséquence. Mais au cours de ce processus, les employés peuvent également pointer du doigt des problèmes pour lesquels une innovation est possible. Il s'agit de créer des simulations qui aident les concepteurs à cerner les besoins. Ainsi, si vous prenez par exemple quelqu'un qui connaît les processus hospitaliers pour lui faire vivre l'expérience d'un patient, il sera plus à même de trouver des possibilités d'innovation, telles que différentes manières de gérer les entrées et les sorties ou d'améliorer la commodité des vestiaires.</li>

<li>La quatrième technique concerne l'immersion, c'est-à-dire l'investissement sans faille dans la culture d'un client afin de comprendre ce qui pourrait le rendre heureux.</li>

<li>La cinquième technique peut ne pas être associée de prime abord à une technique de conception bienveillante. Les concepteurs créent souvent des artéfacts avec lesquels les clients peuvent interagir, afin de comprendre leurs besoins. Il peut arriver que ces artéfacts soient physiques, des prototypes non fonctionnels qui définissent la forme et la taille du produit et représentent ses fonctionnalités, mais pas son apparence.</li>

</ol>

</div>

<strong>Mme Leonard :</strong> L’idée sous-jacente est de permettre aux concepteurs de comprendre les clients par l’intermédiaire de l’adoption d’une de ces 5 techniques, pour créer ensuite un résultat que le client n’aurait jamais pensé à demander. Cela concerne également les processus et les expériences, et pas uniquement les produits. Prenons l’exemple d’une expérience du domaine médical : l’interaction avec un hôpital. Si un médecin se met à la place d’un patient, il ou elle peut comprendre ce qu’il faut mettre en œuvre pour améliorer l’expérience de ce patient.

<strong>Appian :</strong> N’est-ce pas ce que les employés de Sony ont réussi à accomplir avec leur Walkman ? Ils ont simplement montré un bloc de bois à leurs concepteurs industriels en leur disant « Voici la taille que le produit devrait faire ».

<strong>Mme Leonard :</strong> Oui. Et ce bloc de bois représentait un artéfact autour duquel les concepteurs ont pu rassembler leurs idées, en discuter et en trouver de nouvelles. Cependant, tous les artéfacts ne sont pas physiques.

Certains concepteurs créent des artéfacts cognitifs, des conceptions, des prototypes intellectuels qui leur permettent d’interagir avec un client, des idées que les consommateurs et les concepteurs peuvent définir avec davantage de précision au fil du temps, en somme... C’est ainsi que les Japonais ont conçu une voiture adaptée à un espace urbain limité, qu’ils ont baptisée « Tall Boy » pour insister sur sa hauteur.

Cette approche de conception empathique ne date donc pas d’hier, mais elle a fait ses preuves.

<h2>Faites un bon en avant grâce à l'inspiration</h2>

<strong>Appian :</strong> Vous avez écrit un article pour la <em>Harvard Business Review</em>, intitulé « <a href="https://hbr.org/1997/11/spark-innovation-through-empathic-design" rel="noopener" target="_blank">Spark Innovation through Empathic Design</a> » (Stimuler l’innovation grâce à la conception empathique). L’une des informations que j’ai retenues concerne votre anecdote sur la technologie radio, plus particulièrement sur le fait que lorsque les radios sont apparues, elles n’étaient d’abord utilisées que pour la communication vocale en morse. Les consommateurs n’en savaient pas assez sur le sujet pour songer à réclamer des capacités de radiodiffusion supplémentaires ; et pour cause, ils ne savaient même pas qu’une telle offre pouvait exister.

<strong>Mme Leonard :</strong> De nombreuses histoires sont similaires à celle-ci. Je pense que la proximité avec l’environnement du consommateur rend ces bonds en avant possibles, puisqu’elle crée l’inspiration. Il faut cependant savoir attendre le moment opportun. Vous vous souvenez de l’assistant personnel Newton commercialisé par Apple ? L’entreprise a subi un échec cuisant, mais le problème ne venait pas du concept. Cette idée était simplement en avance sur les capacités disponibles pour lui donner vie.

<blockquote>« L'innovation est donc en partie une question de timing. Elle comporte également une dimension d'exploration continuelle destinée à repousser les limites. Selon moi, chaque entreprise doit consacrer une partie de ses ressources à une réflexion allant au-delà de l'avenir proche. »</blockquote>

Les entreprises ont besoin d’employés sachant utiliser leurs « antennes » dans leur environnement, discuter des nouvelles technologies, surveiller de près les nouvelles tendances et réfléchir à des innovations sur le long terme, et pas uniquement pour les trois prochaines années.

 

<a href="https://low-codedevelopment.com/campaign/3ff1c83d"><img src="https://assets.appian.com/uploads/assets/sites/4/2019/07/ap_Low_Code_RM_ad_template_970x250-e1563810001476.jpg"/></a>